EL WATAN DU DIMANCHE 13 NOVEMBRE 2011.
ÉVALUATION DU SYSTÈME DE SANTÉ PUBLIQUE
Le professeur Chaoui appelle à un débat national
● Le professeur Farid Chaoui, spécialiste en gastro-entérologie, estime nécessaire d’augmenter les dépenses de santé publique à 10% du PIB
● Le budget de santé publique est financé à 60% par l’argent de la Sécurité sociale.
Il faut qu’il y ait un débat national sur le système de santé en Algérie», insiste le professeur Chaoui lors d’une conférence-débat consacrée à la santé en Algérie. Organisée par le Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD), la conférence, tenue au siège du parti, a vu la participation des spécialistes de la santé et des membres des associations activant dans le secteur. Ces derniers ont tous approuvé la proposition du Pr Chaoui qui vise à élargir le débat à tous les Algériens. «Ce sont tous les Algériens qui donneront leur avis sur le système de santé à adopter», conçoit l’invité du PLD. Ce dernier a dressé un bilan critique sur les différents systèmes de santé publique adoptés depuis l’indépendance jusque là. En ce qui concerne les soins gratuits, vocable récurrent dans le discours officiel, le gastro-entérologue estime qu’il n’y a pas de médecine gratuite dans la mesure où le budget de santé publique est financé à 60% par l’argent de la Sécurité sociale. «Il n’y a pas de médecine gratuite. Il faut savoir qui la paye», insiste-t-il.
"C’EST LA FIN DES SOINS GRATUITS"
«40% des dépenses sont financées par les ménages. C’est la fin des soins gratuits même si cela n’a pas été dit officiellement», annonce le Pr Chaoui. Evaluant le système actuel, ce dernier est allé jusqu’à dire que «les malades sont devenus des intrus dans le système qui est fait pour payer les salaires et acheter les équipements». Le conférencier plaide pour un «vrai programme de santé qui répondra aux besoins de la population.
Ce système n’est pas destiné à soigner la population, mais à enrichir des lobbies», conclut-il, considérant ainsi l’argent destiné à la santé publique comme un hold-up sur l’argent des cotisants.
«Le budget est calculé d’une manière arbitraire, sans étude et sans vérification même si toutes ses dépenses ont servi à la population ou non», souligne le médecin qui compare la situation dans le secteur de la santé à celle des années 1985 et 1986 où le prix du pétrole avait
chuté. «On refait les mêmes erreurs», s’inquiète le spécialiste qui met en garde contre des lobbies des équipements médicaux et ceux de l’industrie pharmaceutique. «Il faudrait qu’on fasse des comptes», suggère-t-il.
COHÉSION SOCIALE
Le spécialiste, qui considère le système de santé comme un facteur de cohésion sociale, propose deux alternatives. Soit on considère la santé comme étant un produit commercial comme tous les autres – l’Etat n’intervient que pour aider les pauvres et les autres couches sociales se prennent en charge. Soit on installe un système équitable qui permet à tout le monde d’accéder aux soins. Un système de solidarité où les riches aident les pauvres. Evoquant les perspectives, le professeur appelle à l’augmentation des dépenses de santé publique à 10% du PIB, rappelant qu’actuellement, il est de 4%. Soit 250 dollars par habitant. «Il faut identifier et hiérarchiser les besoins du système de santé. Le scandale du cancer est très illustratif», regrette le médecin.
Le débat initié par le PLD sur la santé publique en Algérie a connu l’intervention des professionnels de la santé, ceux de la Sécurité sociale ainsi que des étudiants en médecine. C’est dans une salle exiguë du siège du PLD, se situant dans une vieille bâtisse d’Alger-Centre, qu’a eu le débat d’intérêt public.
L’absence de commodités n’a pas empêché les participant de jeter les passerelles d’un dialogue réel sur les questions qui préoccupent les 36 millions d’Algériens.
Djedjiga Rahmani