« Pour une Algérie Républicaine Moderne et Sociale »
   
  PARTI pour la LAICITE et la DEMOCRATIE (P-L-D) ex MDSL
  La laïcité, des principes à rappeler de Elie Arié, article paru dans MARIANE.
 
MARIANE
La laïcité, des principes à rappeler
Elie Arié - Tribune | Mercredi 1 Décembre 2010 à 15:01
 
En ces temps d'islamophobie, le principe de laïcité n'est pas vraiment en ode de sainteté. Loin de l'interdit de pratiquer ses croyances ou de l'effacement des différences, ce dogme républicain s'impose, pour Ellie Arié, comme un moyen libérateur : la fin de la domination d'options spirituelles et le moyen de se construire soi-même.
 
(Dailymotion - Association_AFIC)
Depuis quelque temps,certains commentateurs de Marianne2.fr se sont fait une spécialité d'attaquer le principe de la laïcité, au prétexte de lutter contre l'islamophobie. Il n'est donc pas inutile de rappeler ce qu'est la laïcité, -ce que je tente de faire ici-, en m'appuyant notamment sur les écrits de  Henri Peña-Ruiz.
 
Le mot laïcité et le sens du principe qu'il recouvre
La question primordiale : quel type d'union, fondée en droit, pour des êtres dont les convictions spirituelles sont diverses ?
Certes, les communautés de foi, ou de représentation du monde, ne sont pas négligeables. Mais elles ne concernent que ceux qui s'y reconnaissent librement.

De ce point de vue, on peut comprendre la laïcité non comme un produit culturel, spontanément surgi d'une tradition particulière, mais comme une conquête accomplie par un effort de distance à soi d'une société d'abord soumise à l'organisation théologico-politique traditionnelle.
 
Le droit laïque et ses exigences
La liberté de conscience est le premier principe fondateur de la laïcité.
Et il appartient à l'État de lui donner les moyens de se fortifier, notamment par l'instruction publique. Celle-ci doit procurer à tous, croyants ou non, l'autonomie de jugement et la culture universelle qui lui fournit ses repères. La laïcité n'est pas seulement neutralité : un État, s’il est philosophiquement et religieusement neutre, peut être parfaitement démocratique sans être laïc. Elle est, positivement, promotion du bien commun du fait qu'elle assume un projet d'émancipation de tous et de chacun.

La laïcité consiste à éradiquer le principe même de toute domination au nom d'une option spirituelle quelle qu'elle soit.Tout privilège juridique consenti aux religions par rapport aux non-religions maintient parfois pour alibi la référence à la culture, entendue en son sens ethnographique comme continuité d'une tradition. Mais on peut mesurer les risques d'une telle acception en observant que des pratiques oppressives et discriminatoires se donnent comme « culturelles » pour jouir d'un label qui les soustrait à toute critique. L'égalité des sexes, pour ne citer qu'elle, ne figure pas dans les traditions « culturelles » des grandes aires de civilisation, et il faut noter à quel point, parmi les non-musulmans français, les femmes se sentent beaucoup plus agressées par le foulard islamique que les hommes, car elles y voient (à juste titre) la remise en cause de décennies de luttes pour leur émancipation. Elle n'en est pas moins une exigence du droit, qui sur ce point doit rompre avec le passé. Ce type de rupture est d'ailleurs conforme à un autre sens du mot culture, entendue cette fois ci comme transformation active du donné en vue d'un progrès.
 
D'où le souci d'universalité
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L'assignation des options spirituelles à la sphère du droit privé ne signifie pas qu'on en méconnaisse la dimension sociale et collective : celle-ci est prise en compte par le droit des associations. Elle n'interdit nullement aux religions ou à la libre-pensée de s'exprimer dans l'espace public. Mais elle leur dénie toute emprise sur l'espace public. On comprend dès lors qu'il est essentiel pour la république laïque de préserver la sphère publique –et pas seulement l’école- de tout empiètement des communautarismes.

La question de la laïcité ne peut s'arrêter aux portes de l'École. Il apparaît aujourd'hui que le problème du port du foulard s’élargit au refus de la mixité et s'étend progressivement à d'autres institutions publiques (et pas seulement du fait des musulmans), comme les établissements de santé, les piscines, etc…, sans savoir où cela s’arrêtera (à quand des autobus séparés pour les femmes ?). Il est impossible d'imaginer un monde où l'école serait un sanctuaire alors que s'affirmerait autour un monde communautarisé, dans lequel les religions imposeraient leur légitimité. Dans les dernières années, de nombreux responsables politiques ont laissé se répandre l'idée que la laïcité se réduisait à la notion de tolérance de toutes les religions. Cette conception dite moderne, ouverte, a permis à ceux de bonne ou de mauvaise foi, de croire que toutes leurs revendications religieuses étaient légitimes.

L'espace public n'est pas une mosaïque de communautés, mais un monde de référence des individus-citoyens libres de choisir leurs appartenances et d’en changer. Toute personne doit pouvoir disposer librement de ses références spirituelles, et non être d'emblée assujettie à elles au nom d'une « identité collective » dont elle ne pourrait se déprendre. Certes, il s'agit là davantage d'un idéal régulateur que d'une réalité effectivement accomplie. Mais c'est l'honneur et le devoir de la politique de ne pas se soumettre au monde comme il va. D'autant que c'est par un malentendu trop courant que l'on oppose l'idéal laïque et la légitime construction des identités singulières. La laïcité ne requiert nullement l'effacement des « différences », mais un régime d'affirmation des différences qui reste compatible avec la loi commune, et soit à même d'empêcher tout rapport de dépendance personnelle.
 
La question de l'école laïque
L'école n'est pas un lieu comme un autre. Elle accueille des enfants, dont elle fait des élèves. Elle les accueille tous, sans distinction d'origine, de religion ou de conviction spirituelle. Elle prépare à la citoyenneté, sans épouser l'illusion d'une citoyenneté spontanée, qui préexisterait au processus de sa formation. C'est dire que la laïcité n'est pas seulement un droit : elle est aussi une exigence. Les enfants-élèves n'appartiennent plus tout à fait à leur famille ; mais ils ne s'appartiennent pas encore tout à fait à eux-mêmes, en fait, même si en droit ils sont là pour apprendre à se passer de maître. D'où la tâche délicate de l'école laïque, qui en un sens est une institution organique de la République, et ne saurait être réduite à un simple prestataire de service, tributaire de la demande sociale du jour. La logique de l'école est celle d'une offre de culture, et d'une offre qui doit toujours déborder la demande, afin de s'affranchir de ses limites. D'où la nécessité d'une ouverture grand angle du champ de la connaissance, incluant les religions, les mythologies, les humanismes rationalistes, tout ce que jadis on appelait fort bien les Humanités.

L'école laïque accueille tous les enfants : il n'y a pas d'étranger dans l'école de la République. Elle doit de ce fait respecter une déontologie laïque : quelle que soit notre religion, nous devons en retirer les signes visibles (et pas simplement ostentatoires) lorsque nous entrons dans une école, comme nous retirons nos chaussures en entrant dans une mosquée ou notre chapeau dans une Église. Et ce dans l'intérêt de tous. Il n'y a donc place en elle ni pour le prosélytisme religieux, ni pour la propagande athée. Un professeur pourra évoquer la Bible ou le Coran en classe, ou encore étudier un texte de Voltaire ou de Marx, mais en se souvenant toujours que ses élèves proviennent des trois grandes options spirituelles évoquées. D'où une exigence stricte de ne blesser personne en valorisant ou en disqualifiant une croyance, tout en cherchant à faire connaître ce qu'elle est. Pour cela, il est essentiel de faire la part de ce qui relève du régime de la croyance et de ce qui relève de celui du savoir. La laïcité scolaire ne requiert nullement la critique des croyances, mais la lucidité qui fait qu'un élève doit faire en lui la distinction entre croire et savoir.

À la déontologie du maître doit correspondre une culture de l'exigence chez l'élève. En ce sens la dissymétrie créée par l'encouragement prodigué aux élèves pour qu'ils affirment d'emblée ce qu'ils sont ou croient être est néfaste. Sous l'apparence de la spontanéité ainsi prisée peuvent se dissimuler des contraintes très réelles, que l'on entérine en laissant croire que l'opinion première a une valeur suffisante. En revanche, une culture de l'exigence, voire de l'effort et de la distance à soi a au moins le mérite de donner sa chance à l'émancipation personnelle. Entendons-nous bien. Il ne s'agit pas ainsi de disqualifier les cultures ou les traditions d'origine. Il s'agit simplement de promouvoir un rapport éclairé, distancié, aux facteurs de construction de l'identité, et de les inscrire dans un horizon de culture universelle vers lequel se porte le travail de la pensée quand il s'affranchit des représentations immédiates. En schématisant, le rôle de l’École laïque est de donner à l’élève , qui y rentre en se disant «  Je suis ceci », « Je pense cela », les moyens de se poser la question « Qui suis-je ? », «  Qu’est-ce que je pense ? » , de façon à ce que, lorsqu’il en sortira, et qu’il redira « Je suis », « Je pense », le « Je » signifie vraiment « Je » -et, ceci, quelle que soit la réponse, qu’il lui appartient de trouver lui-même ; ceci s’appelle simplement un être humain libre.

Ces remarques conduisent à considérer l'enjeu propre de la laïcité scolaire comme projet d'émancipation. Là encore, on ne peut se satisfaire d'une conception qui privilégierait unilatéralement le droit de manifestation des opinions ou des croyances, sans poser la question de la construction du sujet autonome, de l'égalité des sexes, de l'indépendance de l'école par rapport aux divers groupes de pression. Nous naissons tous athées : c’est ce que nous font (très tôt) nos parents qui nous transforment en adhérents forcés à telle ou telle croyance.

Les glissements trop fréquents de culturel à cultuel ressortissent à une conception communautariste : ils font d'un particularisme religieux un critère d'identification culturel, comme si le cultuel et le culturel étaient consubstantiels. Conception dangereuse de la culture, car elle en dénie le caractère libre et délié. Quid du libre-arbitre individuel dès lors que l'individu est enfermé dans sa communauté supposée, celle-ci liée à une culture particulière, et cette culture à un credo obligé ?

Et souvenons-nous de cette courageuse jeune fille musulmane, qui a dit à la télévision : « dans mon lycée, le proviseur a interdit le port du foulard, et j’en suis bien heureuse : sinon, mon père et mes frères m’obligeraient à le porter ». Dans notre société faussement permissive, nous avons oublié que l’interdit peut être une libération.
 
 

 
 
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