L’Algérie est-elle condamnée
à revivre la trahison d’un nouvel San’ Egidio ?
L’Algérie vient de vivre avec succès son 41ème vendredi de mobilisation sous la houlette de slogans phares : « Non aux élections ! », « Dawla madania, machi askariaet », « Djazair horra dimokratia ». Alors que la contestation nationale entame sans discontinuer son dixième mois, le pacifisme a été son principal marqueur et la ferveur populaire ne fait que croître. Les manifestations se sont multipliées et désormais, elles sont quasi quotidiennes sur l’ensemble du territoire national. Il arrive même que celles-ci se déroulent de nuit, preuve concrète d’une vitalité militante débordante. Cette fièvre révolutionnaire n’est pas près de tomber. Elle risque d’aller crescendo jusqu’au 12 décembre prochain, date à laquelle le système a projeté de tenir coûte que coûte ses « élections présidentielles ».
Celui-ci a joué en vain la carte du pourrissement du mouvement citoyen mais, face à cette nouvelle mascarade électorale, la mobilisation populaire demeure exceptionnelle. En effet, partout dans le pays monte un rejet général et massif car le peuple refuse de dire amen à des « élections » qui de fait, sont attentatoires à l’essence même de la démocratie.
Le système est dans l’incapacité de drainer les foules pour pouvoir renverser la vapeur et imposer ses choix politiques. Souvent chahutés par les citoyens, les candidats à la présidentielle n’arrivent même pas à tenir leurs meetings électoraux. Pour autant, le système semble faire peu de cas de la volonté populaire et paraît ne pas vouloir démordre de sa feuille de route.
Dans un tel contexte, le bras de fer qu’impose le système au peuple risque de basculer dans l’affrontement et entraîner le pays vers une situation incontrôlable, voire vers le chaos à moins que celui-ci n’annule in extremis les « élections » et ne s’engage dans de nouvelles manœuvres avec « l’opposition ».
Les partis démocrates eux aussi, ne prennent pas la mesure de leurs responsabilités et des dangers qu’encoure le pays. Ils font preuve d’une amnésie et d’une myopie politique criminelles et semblent ne pas tenir compte des expériences malheureuses du passé. Ainsi, ils s’apprêteraient à s’asseoir avec les islamistes à la table des négociations. Tout porte donc à croire que les relations incestueuses qu’ils entretiennent avec les islamistes ont pour objectif de réchauffer le plat toxique de San’ Egidio et de le proposer encore une fois comme solution miracle à la crise.
Malheureusement, les réflexes du passé ont la peau dure. Ces démocrates sont dans la sous estimation du danger islamiste et croient encore à la thèse fumeuse de la hiérarchisation des combats selon laquelle, il y aurait un ennemi principal, le système et un ennemi secondaire, l’islamisme politique, d’où la pertinence d’une fenêtre de tir qui offrirait la possibilité d’élargir le Pacte de l’Alternative Démocratique (PAD) aux islamistes. Si l’hypothèse de cette compromission se confirmait, cela signifie en clair que le combat pour le projet de société moderne n’est pas prioritaire et qu’il est rejeté aux …calendes grecques !!??
Comment est-il possible à des partis démocrates de pactiser avec les bourreaux d’hier, avec ceux qui avaient fait du politique un champ de bataille, du peuple un gibier de potence et de l’Algérie un abîme de barbarie ? Comment est-il possible à des partis démocrates de trahir l’espérance d’un peuple en lutte et ne pas saisir que le rapport de forces par lequel pèse aujourd’hui le mouvement historique du 22 février a changé radicalement la donne, remis à l’ordre du jour de façon spectaculaire la question démocratique et mis à la marge l’islamisme politique ?
L’histoire récente du pays pourtant, a déjà démontré de façon péremptoire que les partis démocrates ont été les plus grands perdants de cette stratégie suicidaire et qu’au bout du compte, au lieu de se renforcer, ces partis démocrates sont passés sous les fourches caudines du système qu’ils pensaient pouvoir abattre.
Une telle alliance contre-nature ne peut pas œuvrer à l’émergence de la démocratie. La consécration du principe de séparation du politique et du religieux, en un mot de la laïcité et l’instauration de lois civiles égalitaires entre les hommes et les femmes ne sauraient souffrir d’aucun marchandage politique, ni d’aucun report. Il ne peut pas y avoir de convergence de luttes avec l’islamisme politique sous peine de fracturer le camp des démocrates, de retarder la construction du front démocratique et d’hypothéquer gravement l’avenir du pays. L’islamisme politique est dans la mise en scène d’une véritable fiction avant de tomber le masque.
La situation internationale est aussi une source inestimable d’enseignements.Il suffit de diriger le regard vers l’Afrique du Nord et le Moyen Orient pour en tirer des leçons profitables. La situation politique de la Tunisie nous confirme que l’islamisme politique est un ennemi redoutable puisqu’il y a réussi à conquérir des positions politiques stratégiques dans la scène politique bien que le rapport de forces lui est défavorable. En revanche, au Liban, en Irak ou en Iran on y mesure l’éveil extraordinaire des peuples à la modernité et l’on réalise avec satisfaction que s’y jouent des luttes décisives pour l’instauration de véritables Etats démocratiques et laïques.
Pour le PLD, le système et l’islamisme politique sont inséparables. Ce sont de fait les 2 visages d’un même ennemi qu’il s’agit de combattre ensemble de la façon la plus farouche. C’est pourquoi le PAD, s’il veut rester fidèle à ses origines et à ses sources, notamment à la plate-forme du 26 juin 2019, doit lever ses ambiguïtés politiques en disqualifiant définitivement l’islamisme politique. Ce n’est que de cette manière que le PAD retrouvera son honneur et se hissera à la hauteur des enjeux que dicte le mouvement citoyen.
Le PLD poursuivra son combat républicain pour la mise en chantier d’une transition démocratique. Néanmoins, cette transition doit s’effectuer dans une atmosphère apaisée. C’estla raison pour laquelle, il est impératif de libérer tous les détenus d’opinion et de tout faire pour que cesse le climat de répression qui s’est abattue sur les manifestantes et manifestants. L’autre préalable à cette transition est la refondation des partis politiques, la dissolution des institutions fantoches telles l’APN, le Sénat, les APW et les APC, les syndicats maisons, tels l’UGTA, l’UNPA, l’UNFA, l’UNEA par exemple, les associations. Aussitôt la scène politique assainie, un directoire composé de patriotes républicains dont la respectabilité est établie dirigera le pays. Un gouvernement de combat républicain est à mettre sur pied pour gérer les urgences du quotidien et parer aux fortes instabilités. L’essentiel est de s’inscrire dans le temps long pour avancer lentement mais sûrement, avant de se lancer dans le chantier de la réflexion sur une nouvelle constitution, son adoption par le peuple et le grand dossier de la refondation des partis politiques.
Alger le 30 novembre 2019,
Le porte parole du PLD,
Moulay Chentouf.